Tribune libre :
Elections en Algérie
Le scrutin a rendu son verdict. Bouteflika est réélu avec près de 90 % des voix pour la troisième fois de consécutive.
Il n’a non seulement bénéficié lors de sa campagne d’un monopole médiatique dont il s’est servi allègrement mais a également disposé d’un appareil d’état qui a fonctionné à plein durant cette élection : annulation de réunions publiques de l’opposition ou arrestation de responsables politiques appelant au boycott.
La bourgeoisie ne parle de démocratie que les jours de fête, pas dans la pratique. L’opposition, constituée principalement du RCD et du FFS a refusé de rentrer dans le jeu de dupes que représentaient à ses yeux ces élections. Ils les ont boycottées. Seule la candidate du PT, Louisa Hanoune, très populaire en Algérie, et défendant une ligne nationaliste chauvine -le chiens ne font pas des chats- a servi de faire valoir dans cette mascarade électorale. Le PST, organisation du Secrétariat Unifié estampillé « quatrième international », a boycotté le scrutin. Elle est de ces «organisation centristes» révolutionnaire en théorie et opportuniste en pratique, qui rappelle certaine de ces organisations sœurs plus près de chez nous.
Le bilan de Bouteflika était pourtant controversé. Certes il a réduit, d’après les chiffres officiels, le chômage de moitié, mais le chômage des jeunes atteint toutefois aujourd’hui 25 %. Certes, il a développé des infrastructures de transport faisant jouer à plein la manne que représentent les hydrocarbures (150 milliards engrangés suite à la flambée du cours). Cependant, il a conduit la population vers une précarité plus présente que jamais, avec les salaires les plus bas de la région. Il a anéanti le service public algérien en privatisant des secteurs dont les nationalisations, pour certaines, étaient le fait de la lutte de libération des anciens : santé, ressources minières, université, etc.… et s’apprête à signer des accords de coopération avec l’UE tout en projetant son entrée dans le cadre «très libéral» de l’OMC, sacrifiant de fait la production nationale sur l’autel du libre-échange et des appétits capitalistes.
Bref, une politique pour les financiers et les rentiers nationaux sur le dos de son peuple. Une recolonisation économique rampante, en quelque sorte. Les richesses existent en Algérie : c’est le quatrième producteur d’hydrocarbures dans le monde, secteur qui représente 98 % de ses exportations. Elle achète -et elle importe- grâce à cette manne ce qu’elle ne produit pas, ou plus. Sa production (hors hydrocarbures) représente 5 % du PIB! Elle devient donc de plus en plus dépendante des marchés extérieurs et donc «du marché» dans le domaine agricole, manufacturier, etc. …, résultat concret de la politique libérale de Bouteflika. Ce qui a le malheur de soumettre complètement le pays à la spéculation des élites financières et capitalistes, mais qui en retour, crée une autre rente liée aux importations, dont dépend de plus en plus le pays, et un certain nombre de personnes, plus ou moins proches du pouvoir, qui en bénéficient largement.
Deux intérêts se servent donc l’un à l’autre, les hydrocarbures fournissant aux politiques les moyens de leur légitimité. La rente d’importation étant impossible sans le pouvoir politique ou l’appui qu’il représente pour le importateurs, une bureaucratie se forme, et détient tous les pouvoirs en Algérie : la classe bourgeoise et financière.
Les travailleurs algériens ne trouveront leur salut que dans le dépassement de cette bureaucratie financière-militaire qui entrave le développement des forces productives algériennes du fait de leur clientélisme avéré et de leur intérêt conservateur. Il faut reconstruire un parti révolutionnaire en Algérie qui remette au centre de son activité de propagande les transformations révolutionnaires des rapports de propriété dans les secteurs de la production et de l’échange et qui sorte de la stratégie mono-productive dans lequel son très libéral de président est en train de l’enfoncer.
La jeunesse algérienne, durement touchée, et leurs pères, élevés et éduqués par une lutte de libération glorieuse, sauront donner l’impulsion à la reconstruction d’un mouvement marxiste révolutionnaire. Que les «Moudjahid» se lèvent… Il y a de nouvelles luttes de libération à l’horizon, et il se pourrait que celle-ci soit plus décisive que les autres.
En Algérie comme ailleurs il va falloir se retrousser les manches. L’émancipation ne se construit jamais avec les modérés mais avec les révolutionnaires…
Pour un gouvernement révolutionnaire et socialiste d’Algérie.
PIERRE
Publié dans Combat n°9 Mai 2009