Gabon : La mort du dictateur

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Gabon :

La mort du dictateur

 

Jusqu’à son dernier soupir, le destin d’Omar Bongo -et à travers lui celui de son peuple- aura été lié à la France.

C’est en France en effet, que l’hebdomadaire Le Point annoncera le premier, le 7 juin dernier, son décès. En France aussi qu’un porte-parole du gouvernement confirmera la nouvelle de sa mort, devançant le communiqué officiel gabonais.

La fin donc de celui qui durant les 41 ans passés au pouvoir sut prolonger -au-delà de tout espoir- la mainmise de la France sur ce pays riche en ressources et faiblement peuplé. 41 ans d’un pouvoir absolu et durant lesquels il s’emploiera aussi -et par tous les moyens- à mater toute tentative de contestation de son despotisme.

Le rejeton de De Gaulle, ancien des services secrets français, est celui qui va consolider la transition entre l’ancienne politique coloniale hexagonale du temps de l’ Afrique Equatoriale Française et le concept postindépendance de « France-Afrique », euphémisme pour qualifier la politique impérialiste française dans la région.

Omar Bongo est mort et ce n’est pas le peuple -qu’il n’eût cesse d’exploiter et de spolier- qui va le pleurer. Politicien habile, il aura su placer ses pions au moment de la déclaration d’indépendance du Gabon en août 1960.

Ainsi, à partir de 1962, il deviendra directeur de cabinet du premier président de la république, Léon Mba. C’est le poste qu’il occupe lorsque des militaires gabonais nationalistes s’emparent du palais en février 1964. Mais l’indépendance du Gabon est une indépendance surveillée de près et les troupes françaises stationnées à Dakar mettront fin au putsch trois jours plus tard. Cet épisode éveillera en lui une méfiance viscérale vis à vis de l’armée gabonaise, ce qui va le conduire -plus tard, pour asseoir son pouvoir- à en faire une armée de pacotille où les gradés sont plus nombreux que la troupe. En 1967 il va devenir, à la mort de L. Mba et avec l’appui de la France, le deuxième président du Gabon. Peut-être plus que tout autre dirigeant de l’Afrique francophone, Bongo a, pendant quatre décennies, encouragé et défendu l’impérialisme français sur le continent.

Hormis le financement des vieux routards de la politique française -toutes tendances confondues- il permit surtout aux grands groupes français de piller les richesses naturelles du Gabon : pétrole, manganèse, gaz et bois précieux, fer et -ces derniers temps- ses gisements d’uranium. Il favorisera l’installation d’une base militaire à Libreville ( le 6e. Bima) qui va permettre aux troupes françaises d’intervenir au Tchad, au Cameroun, au Congo ; Il prêtera main forte à Giscard lors de l’opération « Crevette », tentative ratée de reversement du président de la République Populaire du Bénin Mathieu Kérékou et dans tous les conflits régionaux qui menaçaient les intérêts français dans ce qu’elle considère comme son pré carré.

Ainsi, ses débuts au pouvoir seront marqués -déjà en 1968- par une soumission à la France : mis en demeure par Paris, il reconnaît l’indépendance factice du Biafra et met à sa disposition l’aéroport de Libreville qui deviendra la plaque tournante de mercenaires et barbouzes ; des cargos remplis d’armes destinées aux sécessionnistes y prennent leur envol.

C’est la consolidation de la complicité entre Bongo et les services secrets français : deux mercenaires français assassineront en plein centre de la capitale  gabonaise l’opposant Germain Mba… ; elle ne cessera jamais : en janvier 1990 -à Libreville- les étudiants descendent dans la rue et obligent Bongo à rétablir le multipartisme. Mais malgré quelques concessions, la contestation se poursuit et la mort suspecte d’un des principaux opposants remet le feu aux poudres : Port- Gentil est en état d’insurrection et la France va encore voler au secours de son dictateur préféré…

Rocard y envoie les paras pour mater la révolte dans les quartiers populaires et rétablir l’exploitation pétrolière. Les revenus énormes du pétrole en particulier et des richesses naturelles en général, ont servi d’abord à son enrichissement personnel et celui de ses proches : ses avoirs et ceux de son entourage familial représentent, deux fois le montant de la dette nationale dub pays.

Ce revenus lui ont permis -aussi- d’acheter la majorité des opposants et de se montrer, généreux avec ses protecteurs français, droite et gauche confondues. Le peuple gabonais vit toujours dans la misère, aussi délaissé par le pouvoir central que trahi par une opposition corrompue ; l’argent que lui volent les grands groupes pétroliers français c’est pour lui moins d’infrastructures, moins d’écoles, moins de santé publique.

Les conditions de vie du peuple gabonais n’ont pas évolué depuis l’indépendance. En dépit de l’opposition de l’Elysée, la justice française a dû se résoudre à ouvrir ces derniers temps une procédure contre Bongo pour détournement de fonds publics et pour l’achat suspect d’une trentaine de biens immobiliers en France.

Aujourd’hui la France du capital s’inquiète quant à l’avenir du Gabon. Non pas à celui du peuple -ne rêvons pas- mais à celui de ses intérêts économiques et politiques. Car si Sarkozy ne pouvait pas ne pas inclure dans ses discours de « rupture » la fin de « l’Afrique de papa » il s’est vite ravisé. Et Bongo lui-même s’est chargé de lui rappeler les intérêts communs qui les unissent. Alors J.M. Bockel, secrétaire d’Etat à la Coopération qui eût la naïveté de croire que les promesses électorales de son patron étaient faites pour être tenues, fut limogé sans préavis. Et le cadavre de Bongo était encore chaud, quand la France -on ne sait jamais- s’est empressée de renforcer discrètement son dispositif militaire…

Car ce sont des troubles que pourraient engendrer la succession de Bongo et leur traduction en pertes de marchés, qui inquiètent le pouvoir en France…

En bon despote, Omar Bongo voulut tenir les rênes du pouvoir jusqu’au bout sans régler la question de sa relève. Comme le dit un jour son géniteur De Gaulle, « après moi, le déluge » ! Soyons sûrs au moins d’une chose : que sa succession échoit à son fils Ali -actuel ministre de la Défense- ou à sa fille Pascaline Bongo -directrice du cabinet de son papa- les intérêts du capital français et ceux de la politique française dans la région seront -sans aucun doute- préservés.

Seul le peuple du Gabon n’a rien à attendre des manœuvres qui se concoctent sans sa participation. Son avenir à lui dépend de sa capacité à s’organiser et à lutter pour enfin prendre le contrôle de son destin qui passe -comme celui de tous les peuples exploités- par la nationalisation révolutionnaire et la socialisation de ses richesses et de son économie !

Publié dans Combat n°10 ETE 2009

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