Mapuche : Quatre siècle de lutte contre l’oppression…

Mapuche :

Quatre siècle de lutte contre l’oppression…

 

(3ème partie)

Deux ans avant de quitter le pouvoir, le gouvernement de la Concertation (Socialistes, Démocrates Chrétiens, Parti Humaniste et autres) et sa Présidente Michelle Bachelet répondait aux légitimes revendications du peuple Mapuche en assassinant le jeune dirigeant Matias Catrileo (22 ans) d’une balle dans le dos, tirée par les forces de police.

Ainsi va ce pays où parler de la « question mapuche » a permis -depuis de décennies- aux médias et aux différents gouvernements du Chili (Salvador Allende compris), d’escamoter la notion essentielle, d’évacuer la nature profonde d’un conflit vieux de plusieurs siècles : la lutte des classes. Au Chili il n’y a pas de « problème mapuche ». C’est qu’au Chili, comme partout dans le monde, la lutte des minorités est une expression -parmi d’autres- de ce clivage plus vaste entre deux classes aux intérêts antagoniques et irréconciliables :

D’un côté, celle -majoritaire- des travailleurs (ouvriers agricoles, de l’industrie, employés, etc.) et de l’autre, une minorité bourgeoise, détentrice du capital, disposant d’un arsenal juridique et législatif taillé sur mesure, d’un Etat garant de son hégémonie et d’une armée et d’une police prêtes à massacrer le peuple pour défendre un « ordre public » et un « état de droit » définis par cette même bourgeoisie.

Ce peuple mapuche, occupant originel des territoires du sud du Chili, est -depuis l’indépendance vis-à-vis de la couronne espagnole en 1810- protagoniste à plus d’un titre de cette lutte de classes qui traverse l’histoire du pays deux siècles durant. Car l’Etat bourgeois né de cette guerre victorieuse face à l’Espagne colonisatrice surgit et se consolida comme Etat libre et indépendant en niant -en même temps- aux peuples autochtones leur culture, leur identité et leur territoire.

C’est donc un conflit de classes, exacerbé -en outre- par le racisme des classes dominantes. Et si, au tout début de son histoire républicaine, l’Etat chilien sembla bien octroyer aux indigènes des droits citoyens et leur reconnut une particularité culturelle, ce furent des droits au rabais et leur intégration dans la nouvelle nation prît -depuis lors- la forme d’une assimilation forcée à la société chilienne.

Cette assimilation se devait de passer par la négation de leur identité profonde. Et si elle s’accompagne d’une mythification de leur histoire, elle vise aussi à désintégrer leur culture, leur territoire et leur organisation sociale. Et si, pour mieux incorporer le peuple mapuche au projet national, son ancêtre devint l’icône victorieuse de la lutte face au conquérant espagnol, l’image idéalisée du mapuche guerrier invaincu fut vite oubliée, cédant la place au mapuche réel, contemporain qui, lui, fut rapidement réprimé et paya avec son sang la revendication de sa souveraineté.

Ce conflit -de classes et politique- trouve donc ses origines dans la Constitution de la nation chilienne : le peuple originel, résistant victorieusement -deux siècles durant- à la conquête espagnole, se voit sommé d’intégrer un Etat auquel rien ne le relie. Cette intégration imposée par les armes il y a deux siècles, se poursuit encore aujourd’hui. Les gouvernements « démocratiques » criminalisent les aspirations mapuches et oeuvrent -depuis des lustres- à la militarisation du conflit, moyennant perquisitions au sein des communautés, passages à tabac, emprisonnements et, même, des assassinats.

La « bonne parole » à l’aide de la matraque, la « démocratisation des communautés » à l’aide des arrestations, « l’occidentalisation » forcée, « l’intégration » par la force, l’imposition d’un modèle productif et économique par les armes, voilà la vérité sur la « question mapuche » !

Il faudrait être naïf pour ne pas voir, dans l’acharnement de l’Etat bourgeois, la volonté d’imposer -en territoire mapuche- le modèle néo-libéral en vigueur depuis Pinochet. Cet Etat qui ne peut pas tolérer qu’une parcelle du territoire national échappe aux appétits de la bourgeoisie capitaliste ultra libérale.

A l’époque de la dictature pinochetiste le néo-libéralisme exigeait de l’Etat qu’il fasse taire toute éventuelle contestation.

Ainsi l’entendit Pinochet qui s’acquitta de cette exigence en décapitant les partis politiques, les syndicats, le mouvement ouvrier. En réprimant aussi les dirigeants des communautés mapuches. Séquestrations, tortures, disparitions et assassinats s’abattirent sur les indiens.

Ainsi l’ont compris -aussi- les différents gouvernements de la Concertation depuis 1990. Toujours à la botte du grand capital, ils ont appliqué sans retenue la Loi de Sûreté Intérieure et la Loi Anti-terroriste pour répondre aux demandes mapuches. Criminalisant les aspirations et les revendications du peuple mapuche, pour mieux servir les intérêts de la bourgeoisie et des multinationales.

Car les enjeux économiques sont énormes et les perspectives de bénéfices pour le capital sont à l’avenant : riches en ressources hydrauliques, minières, maritimes et forestières, les territoires mapuches sont la cible de toutes les convoitises.

Alors, ces lois d’exception inscrites dans la Constitution de 1980 ont servi depuis le « retour à la démocratie » en 1990 et servent encore aujourd’hui pour mater toute opposition ouvrière.

Les discours officiels sur les prétendues « exactions », sur les prétendus « actes de terrorisme », et sur les supposées actions violentes des mapuches qui créeraient un « climat d’insécurité », nuisible au bon fonctionnement de l’exploitation capitaliste, sont contredites par les faits et par les chiffres.

Au seul chapitre de l’industrie forestière, les gains sont en augmentation constante depuis 1997 et les événements de Lumaco, (ville mapuche au sud du Chili) : les bénéfices nets de la suscitée industrie étaient de 1829 millions de dollars cette année-là, ils ont été de 1970,7 millions en 1999, de 2205,6 millions en 2001 ; Ils ont atteint les 2524 millions en 2003, puis 3495,4 millions de dollars en 2005, pour s’élever à 4800 millions de dollars l’année 2007, au plus fort de la répression menée par le pouvoir.

De quelle insécurité nous parle-t-on alors? De quelle supposée violence nuisible aux activités des entreprises de déforestation ? La seule violence constatée a été celle de l’Etat et de son appareil répressif, policiers et forces armées à l’encontre du peuple mapuche. Eux sont spoliés de leurs territoires, mais l’industrie forestière se porte très bien, merci pour elle.

Du coup, le peuple mapuche s’organise et lutte. Et face à la répression bourgeoise il se réorganise et lutte encore. De manifestations en grèves de la faim, il donne du fil à retordre à la bourgeoisie en place et à ses valets. Mais le gouvernement n’a que faire des grèves de la faim, il refuse le dialogue et met en place des médecins chargés d’évaluer l’état de santé des grévistes.

Sinistre emprunt aux sbires de la dictature pinochetiste qui employaient des médecins dans les salles de torture afin d’éviter que les suppliciés ne meurent avant l’heure !

FERNANDO

Publié dans Combat n°14 Septembre 2010

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