Manif étudiantes :
Le Chili à l’heure du réveil des masses ?
Un mouvement étudiant de grande ampleur secoue le Chili depuis quelques mois. Les revendications de cette frange de la société sont ponctuelles, modestes et limitées. Et le caractère de classe de celles-ci est loin d’être clair ni défini car, du fait que le mouvement englobe la majorité des étudiants, il a su se rendre populaire auprès de nombreux secteurs, petite bourgeoisie comprise.
Parallèlement, cette mobilisation n’a pas manqué de réactiver les vieux démons d’une bourgeoisie ultra libérale et réactionnaire qui va jusqu’à appeler les militaires à la rescousse. Aussi, elle a connu l’habituelle réponse des classes possédantes et des États à leur service : une répression violente avec son cortège d’arrestations, de blessés et de morts.
Il est clair que cette contestation -la plus importante et massive des dernières années- ne prétend pas renverser le gouvernement de droite qui dirige le pays depuis plus d’un an, ni -encore moins- remplacer le système capitaliste en vigueur par un autre, plus juste, basé sur la propriété collective des moyens de production et de distribution, ce qui permettrait une meilleure satisfaction des besoins sociaux.
Les réformistes, majoritaires au sein du mouvement et de la « gauche », (communistes compris) diront « qu’il est encore trop tôt », « que les conditions ne sont pas mûres », « que l’heure de prendre le pouvoir n’est pas encore venue… »
Et pourtant, comment faire alors pour changer un système éducatif qui, depuis l’époque de Pinochet et des « Chicago boys » de Milton Friedmann, est devenu une marchandise comme une autre, accentuant l’exclusion des enfants du peuple ?
En effet, comment faire, car si les limites que nous venons d’évoquer sont importantes, il ne faut pour autant pas oublier que ce mouvement s’attaque à l’un des piliers qui sustentent la domination bourgeoise : l’éducation -primaire, secondaire et universitaire- là où s’inculque et se perpétue l’idéologie d’oppression.
Au Chili, la génération des années 70 -hormis quelques survivants- a souffert la perte de milliers de camarades. Sa défaite politique l’a plombée et condamnée -à quelques exceptions près- à un réformisme de façade et à chercher, pendant plus de vingt ans, la collaboration des classes. Néanmoins, sa défaite la plus importante, la plus dramatique, fut idéologique. De ce fait, cette génération se trouve aujourd’hui à la remorque d’un mouvement né de la jeunesse et qui tente d’agiter les bannières d’une contestation sociale beaucoup plus large.
Cette contestation sociale, politique et idéologique, à la tête de laquelle se trouvent aujourd’hui les étudiants chiliens, est peut-être en passe d’obtenir sa première victoire : personne n’ose aujourd’hui mettre en doute la légitimité des revendications dans leur expression la plus large : c’est le modèle économique, le système capitaliste avec son cortège d’inégalités, de désastres humanitaires et écologiques qui est pointé du doigt, même si le chemin à suivre pour le démolir est loin d’être clair dans la tête des dirigeants du mouvement.
Alors, malgré sa force, cette contestation court le risque de se voir empêtrée dans des tables rondes sans fin, enfermée dans les antichambres de politiciens corrompus et experts dans l’art de dénaturer les mouvements sociaux.
Ainsi, à l’heure où nous écrivons, deux choses apparaissent comme acquises :
Primo, les revendications portées par les étudiants chiliens, depuis celle de l’égalité devant l’éducation et la gratuité de celle-ci, en passant par celles de l’accès à la santé, au logement et jusqu’aux revendications salariales, ne pourront en aucun cas être satisfaites -même à minima- dans le cadre constitutionnel actuel. C’est celui-ci qu’il faut abolir, c’est le système qu’il faut remplacer. Comme partout ailleurs, seule la révolution socialiste sera en mesure de satisfaire ces besoins essentiels.
Deuxio, ces changements, ne seront possibles qu’avec la participation massive des travailleurs chiliens qui, par leur longue expérience de lutte, sont seuls capables d’accomplir cette révolution.
C’est maintenant à eux de passer à l’offensive et d’assumer leur rôle historique.
Publié dans Combat n°22 Septembre 2011