Référendum et affrontement en Grèce.

Référendum et affrontement

en Grèce

 

Papandréou, le 1er ministre socialiste grec a démissionné. Il est remplacé par un gouvernement « d’Union Nationale » dont une large majorité reconduit les ministres actuels dans leurs fonctions et y inclut 2 conservateurs et un représentant de l’extrême-droite.

Juste avant ce départ négocié, Papandréou avait évoqué de soumettre le dernier plan de rigueur imposé par la Troïka (BCE, FMI, UE) au référendum. L’annonce de cette consultation de l’électorat grec a suscité des réactions variées parmi les dirigeants et hommes politiques européens. En Grèce, l’opposition parlementaire -de la droite (Nouvelle Démocratie) aux communistes (KKE)- y a vu une manœuvre afin d’éviter les élections législatives anticipées qu’ils réclament depuis longtemps.

Tous savaient que, selon les lois de l’alternance démocratique bourgeoise, le parti socialiste (PASOK) ne résisterait pas à l’épreuve des urnes. Déjà dans son propre camp des voix s’élevaient pour le discréditer, afin de rendre l’homme -et non plus le parti- responsable de la situation désastreuse dans laquelle se retrouve la population.

Comme en Espagne, les socialistes grecs n’ont fait qu’accompagner la crise sans jamais donner, ne serait-ce que l’illusion d’écouter la population, ou de s’opposer au diktat des capitalistes et de leurs alliés banquiers. Comme en Espagne, la tenue d’élections profiterait à l’opposition et la victoire serait promise à la droite, tandis que le KKE grappillerait quelques sièges.

Donc, en présentant un référendum que personne ne souhaitait, Papandréou a finalement réussi à mettre les deux principaux partis autour d’une table. C’est-à-dire, son parti, le PASOK et la droite, la ND. En échange du retrait du projet référendaire et de la démission du 1er ministre, droite et gauche se sont mises d’accord pour former ensemble un gouvernement d’union nationale et programmer les élections législatives en février prochain. Ce gouvernement a pour tâche d’unifier le parlement en vue de lui faire accepter les nouvelles mesures d’austérité commandées par la bourgeoisie européenne, française et allemande en tête.

De cette façon il sera moins aisé pour Samaras, le chef de Nouvelle démocratie, de prendre la posture de façade d’opposant aux exigences de l’Europe. Car même si il s’est attaché à ne faire figurer que peu de cadres de son parti dans ce nouveau gouvernement, c’est bien gauche et droite unies, main dans la main, qui vont soumettre le peuple grec aux mesures antisociales programmées par les capitalistes grecs et étrangers. Le consensus a d’ailleurs été trouvé pour remplacer Papandréou par Papadimos, un économiste, ancien gouverneur de la Banque de Grèce puis vice-président de la BCE.

En France, les socialistes, nouveaux chantres de la « démocratie directe » depuis leurs primaires, eurent bien du mal à cacher leur embarras devant le bluff de ce référendum mort-né. Si aucun d’eux n’osa s’opposer au principe d’un référendum, car s’il n’est « pas anormal que le peuple soit consulté », « la forme peut-être critiquable » ajoutèrent-ils immédiatement.

Aussi rappelèrent-ils les menaces de vagues « conséquences » d’un tel acte, notamment sur la « confiance ».

Ainsi en est-il de même pour tous les peuples d’Europe, les leaders -de la droite comme de la gauche- n’ont qu’un seul maître : la bourgeoisie. La loi du marché les dirige tous.

Les populistes, à l’instar des Le Pen et autres Mélenchon, peuvent jouer les résistants : ils sont soumis aux mêmes impératifs. Ils évoluent dans le même système bourgeois qui les nourrit.

Quant à ceux qui, à la manière des opportunistes du NPA, se contentent de dénoncer « le manque de légitimité populaire » de ce nouveau gouvernement, ceux pour qui ce référendum « constitu(ait) en soi une victoire… ouvrant une brèche prometteuse », non seulement se fourrent le doigt dans l’oeil, mais répandent des illusions inacceptables.

Tout anticapitalistes qu’ils se prétendent, nous leur rappelons qu’il n’y a rien à attendre des institutions politiques bourgeoises. L’histoire de la lutte des classes l’enseigne. Face à l’Etat et au patronat, les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes et sur leurs organisations. Aucune victoire n’est possible dans le cadre démocratique bourgeois : ni dans les élections, ni lors de référendums, nous ne décidons quoi que ce soit. Si les hommes politiques de la bourgeoisie ont retenu les leçons du référendum de 2005, il semble qu’il y ait encore beaucoup de militants de « gauche » qui s’aveuglent des mêmes lumières. Sans capacité politique, le vote « démocratique » ne représente rien. Sans partis révolutionnaires forts, organisés et capables -non seulement de se défendre mais aussi de frapper l’ennemi- il n’y aura pas de victoires possibles pour les travailleurs.

C’est à nous d’établir notre contre-pouvoir, d’opposer à toute la machine d’Etat, nos organisations de classe. C’est à nous qu’il revient de former nos conseils et de nous donner les moyens de faire respecter les décisions qui y seront prises. Armons-nous d’un parti révolutionnaire !

La mobilisation continue…

Le mouvement de protestation mobilise à nouveau. Malheureusement, il repart sur les mêmes bases, par des manifestations et des grèves limitées. En l’absence d’organisation révolutionnaire, le désespoir grandit et les tensions avec.

Celles-ci donnent lieu à des affrontements entre anarchistes, étudiants d’ultra-gauche et le service d’ordre du PAME (syndicat lié au KKE) et qui mettent en évidence le manque de perspectives et les différences tactiques. D’un coté, ceux qui ne voient pas l’insurrection comme un art, mais comme une explosion spontanée. De l’autre, une organisation avec une large base prolétarienne et une direction livrée à la bourgeoisie. Et qui -non seulement a abandonné tout le programme communiste révolutionnaire- mais est prête à réprimer le mouvement pour le contrôler. Le but du KKE et de sa centrale syndicale PAME, est bien de confisquer la lutte pour servir ses visées électoralistes, quitte à jouer à la police face à de petits groupes d’agités. Car le KKE espère bien récolter au parlement les fruits qu’il pourra tirer de la résistance au gouvernement. Voilà pourquoi, dès le début, le KKE engage la population dans ces luttes défensives et dans une stratégie syndicale défaitiste. Le parti communiste grec est toujours auréolé de sa résistance au nazisme, puis à la dictature des Colonels. Il n’a -de plus- jamais participé à un gouvernement. Cependant, sa stratégie purement électoraliste et sa volonté manifeste de cantonner le mouvement ouvrier aux revendications syndicales contre les « monopoles », inhibent la lutte des classes. Derrière des déclarations de bonnes intentions marxisantes, se cache une pratique défensive sans audace, dont on ne peut espérer qu’il sorte aucune forme nouvelle de lutte, aucune perspective révolutionnaire.

Publié dans Combat n°24 Novembre/Décembre 2011

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