Mali :
L’impérialisme français frappe encore
« Pour bien mener une guerre, il faut disposer d’objectifs politiques clairs : Enrayer la progression des groupes terroristes, sécuriser Bamako » et défendre la « condition des femmes et de la liberté d’expression »
Telle est la propagande gouvernementale pour justifier l’intervention militaire au Mali. Hollande perpétue l’œuvre coloniale française, dans la droite ligne des Jaurès et de la SFIO (ancêtre du PS) en justifiant les interventions militaire dans les pays étrangers. Hier c’était au nom de la mission civilisatrice de la France, aujourd’hui c’est pour la liberté. Comme d’habitude c’est le chevalier blanc impérialiste qui débarque avec son étendard et ses bombardements.
Et tous, à droite comme à gauche, soutiennent l’intervention française. Quelques voix se sont timidement élevées pour la forme et la bien-pensance mais dans le fond tous appuient les intérêts supérieurs de la France. Pour le FN, « L’intervention française au Mali décidée ce jour par le président de la République doit être soutenue dans la mesure où notre pays a été appelé à l’aide par le gouvernement légitime du Mali… ». Pour la grande gueule Mélenchon, c’est bien timoré ; jugeant l’action « discutable » il regrette simplement l’absence de mandat de l’ONU et le coût prohibitif de l’opération (environs 2,5 millions d’euro par jour) Aujourd’hui que le conflit est engagé, il commence enfin à évoquer les mines d’uranium dans la région.
Car en effet l’objectif est bien celui-ci : assurer la mainmise de la France sur les gisements du nord du Niger seulement séparé du Mali par une ligne imaginaire tracée par les ex-puissances coloniales créant deux pays aux contours curieusement similaires. Chacun des deux pays se retrouvent avec une capitale totalement excentrée d’une immense partie désertique riche en ressources minières (pierre précieuse, marbre, granit, hydrocarbure, uranium…) Voilà ce qui permet aux puissances impérialistes de s’accaparer toutes les richesses tranquillement, loin du « faible » pouvoir politique national.
Cette région fait l’objet d’une lutte impitoyable de la part des états impérialistes. La nouvelle donne géostratégique (perte d’influence des anciennes puissances coloniales, apparition d’Aqmi) a permis à l’aigle américain de pointer son sale bec crochu. Sous couvert de lutte contre le terrorisme les Etats-Unis ont largement et discrètement renforcé leur présence militaire dans la région. Depuis des années ils forment soldats et officiers de l’armée régulière malienne mais aussi des Touaregs.
Seulement les événements ne se déroulèrent pas comme les américains l’avaient prévu. Voici un rapide historique du conflit
En Janvier 2012 les Touaregs organisés au sein du MNLA se révoltent une énième fois contre l’oppression du pouvoir central. Ils ne tardent pas à être rejoints dans leur mouvement insurrectionnel par le groupe salafiste Ansar Dine et son allié Aqmi. La plupart des villes du Nord du Mali tombent alors sous le contrôle de l’un ou de l’autre, voir des premier puis des second. Le pays est coupé en deux. Fin Mars 2012 un groupe de soldats et de sous-officiers de l’armée régulière avec à leur tête le capitaine Amadou Sanogo –formé par les Etats-Unis- se retournent à leur tour contre le pouvoir de Bamako au Sud et renversent le président Amadou Toumani Touré. Deux mois après le coup d’État Ansar Dine et le MNLA annoncent leur fusion et créent le Conseil transitoire de l’État islamique de l’Azawad (territoire du Nord du Mali revendiqué principalement par les Touaregs indépendantistes) Mais il ne faudra que quelques jours avant que les deux mouvements se tirent dessus. En effet leurs objectifs divergent sérieusement, si le MLNA lutte pour l’autodétermination et l’indépendance du territoire de l’Azawad, de leur côté Ansar dine, Aqmi et le MUJAO (scission d’Aqmi) militent pour la création d’un Etat islamique. Fin Juin, les Djihadistes prirent le dessus et instaurent progressivement la charia.
Si la rébellion touarègue s’inscrit dans une lutte séculaire pour l’indépendance, en revanche la présence des différents groupes islamistes armés dans la région ne date que de quelques années. Il est d’ailleurs intéressant de constater que La carte d’implantation d’Aqmi au Sahel correspond à tout point à celle du bassin de Taoudeni …large de 1,5 million de kilomètres carrés, partagé entre le Mali, l’Algérie, la Mauritanie et le Niger … Les récentes découvertes de richesses minières contenues dans cette zone provoquent en effet un vif intérêt pour cette région.
Jean François Arrighi de Casanova, directeur Afrique du Nord de Total avait ainsi fait état d’immenses découvertes gazières dans le secteur, le conduisant même à parler « d’un nouvel Eldorado». En février 2011, la presse algérienne indiquait que le groupe français Total et le groupe énergétique national algérien Sonatrach avaient plusieurs programmes en cour au Sahel. L’essentiel semblant être pour les deux groupes de « rafler » le plus de projets possibles, au Mali et au Niger. La société Areva, bataille depuis plusieurs années pour obtenir l’exploitation de quelques 5’000 tonnes de minerai d’uranium qui se trouvent à Faléa au Mali, située dans une région isolée à 350 kilomètres de Bamako.
Il s’agit donc bien pour la France de protéger les intérêts de ses multinationales et de sécuriser son approvisionnement en uranium.
Les concepts de bien et de mal ont des définitions à géométrie variable pour les impérialismes français et US. Ainsi une junte militaire putschiste se verra qualifiée de gouvernement légitime si elle prête allégeance et les groupes armés islamistes pourront être présentés comme de valeureux révolutionnaires progressistes (voir conflit Libyen) ou d’affreux terroristes selon qu’ils défendent ou non les intérêts impérialistes.
Nous affirmons que le Jihad armé n’est que manipulation au profit de seigneurs de guerre pour enrôler et envoyer les hommes se battre entre eux pour la domination de différentes factions. La « cause » religieuse est l’instrument docile du pouvoir.
De même qu’il n’est pas question de paix et de liberté lorsqu’une armée impérialiste investit un pays étranger. Là encore ce n’est que mensonges et manipulation.
Enfin, nous soutenons le droit à l’autodétermination nationale des Touaregs du Mali et d’ailleurs, face aux spoliations, déplacements et oppression dont ils sont victimes.
A bas l’impérialisme !
NEYA
Publié dans Combat n°30 Hiver 2012/2013