Nouvel accord national professionnel :
Négocier la défaite,
c’est désarmer les travailleurs !
On connait les gouvernements socialistes comme champions des privatisations (merci Jospin !). Désormais ils méritent également le titre en ce qui concerne la déréglementation et la casse du code du travail.
Après les lois Aubry et dans la continuité du gouvernement Sarkozy, le Parti Socialiste fait voter de nouvelles lois contre les droits des travailleurs.
Rappelons que depuis 2004 la loi Fillon facilite les dérogations qui permettent aux conventions collectives (contrat de travail, etc…) de garantir moins de droits que ce qui est prévu par la loi. Aujourd’hui l’UMP a passé le témoin au PS et celui-ci rempli méthodiquement sa tâche, à savoir revenir sur les acquis de la classe ouvrière et précariser l’emploi.
Les lois votées le 9 avril par les députés reprennent le texte de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) signé le 11 janvier par le MEDEF et une minorité de syndicats (CFDT, CGC, CFTC). Le but est de faciliter pour le patronat les procédures de licenciement et de passer outre les tristement rependus Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) qui dégradent déjà partout les conditions de travail agissant comme un chantage permanent sur la tête des travailleurs.
Comme d’habitude les médias n’en parlent que très peu, si ce n’est pour nous présenter de faux points « positifs ». Voyons de quoi il s’agit clairement.
Le patronat pourra désormais -sous couvert du traditionnel chantage au travail- conclure des « accords de maintien dans l’emploi », le temps de « passer un cap difficile ». En contrepartie d’une augmentation de la durée du temps de travail ou d’une baisse des salaires, l’employeur s’engage à maintenir l’emploi, pour une durée au moins égale à celle de l’accord (2 ans max) et de licencier les salariés qui refuseraient une telle modification sans être obliger de remplir les conditions de licenciement prévues jusqu’à aujourd’hui par le Code du travail et les contrats.
La procédure de chômage partiel qui permet aux grosses entreprises de faire prendre en charge le revenu de ses salariés par l’Etat passe d’une limite de 1000h à 1800h.
L’ANI invente la mobilité forcée ou volontaire. La mobilité interne consiste en « des changements de poste ou de lieux de travail au sein d’une même entreprise » clairement vous pourrez vous retrouver à l’autre bout de la France sur un poste qui n’a rien à voir. Bien sûr, l’employeur pourra licencier le salarié qui refuserait un tel changement pour « motif personnel », le dispensant de remplir les obligations d’un licenciement économique comme c’est le cas actuellement.
La mobilité « volontaire » vous envoie dans une autre entreprise et dispense le patronat de procédure de licenciement économique et le travailleur de tous ses droits acquis (salaires, ancienneté, etc..) Ce type de dispositif devrait à terme « concurrencer la pratique des ruptures conventionnelles » en permettant au patronat de s’échanger des travailleurs entre grands groupes.
Enfin l’ANI soulage le patronat des obligations de respecter un PSE établi par le code du travail en cas de licenciement collectif. Concrètement, il pourra décider unilatéralement des conditions de licenciement et l’inspection du travail ne disposera que d’un délai de 21 jours pour répondre. Ce délai dépassé les conditions seront automatiquement validées. Aucun indicateur n’est établi pour permettre de juger si les critères économiques invoqués sont justifiés, pire un critère personnel relatif à la « compétence » du salarié –forcément très subjectif- peut être retenu comme principal. Et les délais de recours devant les Prud’hommes sont eux aussi raccourcis.
Dans leur propagande relayée par les médias, le MEDEF et la CFDT nous annoncent que les CDD seront plus taxés, ce qui est censé inciter les entreprises à recruter en CDI ! Mensonge et manipulation !
D’une part cette logique ne tient pas la route du point de vue patronal. Il suffit de voir la multiplication, jusqu’à atteindre 30% des effectifs, des « coûteux » contrats d’intérim dans les boites du CAC 40. D’autre part cette taxation sur l’assurance chômage ne concernera que les contrats pour surcroit d’activité excluant les contrats de remplacement, d’usage et saisonniers.
Soit, au final, une mesure qui ne touche que le quart des contrats courts conclus chaque année. En contrepartie, les entreprises bénéficieront d’une exonération de cotisation chômage en cas d’embauche d’un jeune de moins de 26 ans en CDI. Soit, en l’état, selon le Figaro, pour le cumul des deux mesures, une balance favorable au patronat de 40 millions.
Autre mensonge des représentants de la bourgeoisie, les temps partiels seront mieux payés et organisés ! Bref rappel historique : le temps partiel apparaît d’une manière ultra réglementé en 1973. En 1981, la règlementation permettant de limiter le temps partiel commence à disparaître pour devenir peu à peu ce qu’on connaît : une source de précarité pour des millions de travailleurs pauvres. Pour un salarié à temps partiel sur trois il est subi, faute de CDI, et 6/10 souhaiteraient travailler plus.
L’ANI annonce qu’un plancher de 24h/semaine sera imposé aux employeurs pour les temps partiels. Sauf pour les contrats en cours, sauf pour les moins de 26 ans, sauf pour ceux qui « souhaitent » travailler moins !
L’ANI permet aux patrons de renégocier le nombre et la durée des interruptions limitées jusqu’ici à une interruption de 2h maximum par jour.
L’ANI autorise 8 avenants au contrat : cela permet des augmentations et diminutions du temps de travail 8 fois l’année. Voilà pour le soit disant mieux organisé ! Voyons comment les temps partiels seront mieux payés selon eux : l’accord prévoit de majorer les heures supplémentaires dès la première heure au lieu de la deuxième actuellement. Mais l’ANI introduit une limite de 7h qui n’existait pas avant !
Enfin les syndicats minoritaires et le PS nous présentent comme une avancée la loi généralisant d’ici 2016 la complémentaire santé collective obligatoire. Cinq millions de travailleurs trop pauvres pour se payer une complémentaire sont concernés. Le texte prévoit une prise en charge à 50% de la part de l’employeur alors qu’elle est de 57% actuellement. Il s’agit d’un véritable pactole, estimé par le patronat à 4 milliards, pour les compagnies d’assurances. De plus les plafonds de cette complémentaire santé seront inférieurs à ceux de la CMU. Avec la fin du monopole des URSSAF sur les cotisations sociales, déjà prévue pour 2016 également, c’est la mise en coupe de la sécu et la privatisation de la gestion des cotisations sociales !
L’ANI marque l’unité entre les représentants politiques de la bourgeoisie et les syndicats ennemis des travailleurs. Partout en Europe, à l’heure où Thatcher descend enfin six pieds sous terre, les dirigeants de droite et de gauche marchent dans ses pas sans que rien ne se dresse devant eux. Les réformes qui ne sont que des dérèglementations et des reculs s’enchainent : Traité de Stabilité, retraites, privatisations…
Le chômage et la misère ravagent l’Angleterre et en Allemagne un million de travailleurs pauvres font aujourd’hui des semaines de 50 heures et plus pour gagner un revenu à peine suffisant pour vivre. De plus en plus d’actifs doivent recevoir, malgré un emploi, des allocations sociales en complément. Voilà le monde qu’ils nous préparent sous la passivité des organisations syndicales.
On voudrait nous faire croire qu’en supprimant les acquis des travailleurs, la loi nous permettra de mieux négocier nos salaires et nos conditions de travail ! La CFDT notamment se félicite d’avoir « obtenu » que le patronat tolère la présence de représentants du personnel au Conseil d’Administration des entreprises. Comme si la présence, purement figurative, de quelques délégués du personnel au Conseil d’Administration permettra aux travailleurs d’être écoutés !
C’est dans la lutte que les travailleurs se font respecter ! C’est de la lutte que les syndicalistes doivent plutôt se soucier !
L’ANI n’est que flexibilité et précarisation généralisée des travailleurs !
Ce n’est pas avec ceux qui négocient la défaite que nous irons à la victoire !
NEYA
Publié dans Combat n°31 Printemps 2013