Présidentielles 2012 : Flop de gauche et rêve général

Flop de gauche et rêve général

 

Les élections ont consacré le Parti Socialiste, lui donnant les pleins pouvoirs exécutif et législatif. C’est le triomphe de l’idéologie dominante relayé par les organisations de Gauche et d’extrême-gauche électoralistes.

L’anti-Sarkozysme, l’illusion démocratique de l’alternance droite/gauche ont incité la population à « voter utile » c’est-à-dire voter massivement dès le premier tour pour François Hollande. Si l’on ne peut pas accuser Lutte Ouvrière et le NPA de souhaiter la continuité bourgeoise, ils y ont néanmoins largement contribué. Poutou n’ayant de cesse de marteler que son unique souhait était de « virer Sarko et sa clique » et Arthaud faisant preuve de lâcheté en refusant de se positionner clairement sur le vote PS au second tour : tous deux ont entretenu la confusion sur l’intérêt pour les travailleurs d’avoir un gouvernement de « Gauche ». Mélenchon en revanche ne peut rentrer dans le costume de l’idiot utile du PS tant il a directement mené campagne pour celui-ci. Il mérite haut la main le titre de pourri intégral !

Ce ménestrel faussement téméraire a tous le long de ces deux élections caressé le PS dans le sens du poil l’incluant dans ce qu’il appelle « le peuple de gauche » puis considérant victoires et défaites électorales des socialistes comme les « nôtres ». Tous le long de la campagne Mélenchon a marqué son mépris pour les militants ouvriers, il n’a jamais attaqué la grande bourgeoisie française. Au soir du 1er tour il s’est empressé de fustiger ceux d’entre nous les plus conscients qui n’avons pas marché à sa carotte pour donner gratuitement ceux qui l’on suivi au PS. Mélenchon se revendique du monde du travail, ce même monde qu’il foula du pied pendant toute sa vie de politicien. Le succès du rassemblement parisien à la Bastille concrétisa la volonté des français de changer de gouvernement et d’orienter le monde autrement. Mais vers quoi ? Mélenchon proposa ce que le PS ne pouvait promettre sans s’attirer les foudres de l’électorat de droite et des capitalistes : une rebelle attitude qui ne convainquit que quelques bobos et militants écervelés « de gauche ». Les ouvriers eux ne sont pas si dupes.

Nul doute que les affaires des travailleurs ne sont pas près de s’arranger avec le PS : hausse du chômage, flexibilité, réduction des services publics, hausse des prix et gel des salaires. Mieux que ça, l’ensemble des mesures prises sous Sarkozy seront renforcées et étendues, ainsi la casse du code du travail, la rigueur seront intensifiées.

Quoi de plus « normal » en somme pour F. Hollande, ce représentant « normal » de cet Etat édifié par et pour la bourgeoisie. Le PS continuera son œuvre au service du capital que ses dirigeants ont depuis toujours protégé. Ce glissement historique constamment plus « à droite » dans les discours et les actes -conséquence des défaites du mouvement ouvrier et de l’abandon du combat idéologique par les organisations de la classe ouvrière- a entraîné dans le sillage de ce parti bourgeois les autres partis à sa gauche. Si l’agonie du PCF s’inscrit dans le lent déroulement d’une trahison historique, la mutation d’autres organisations comme la LCR (NPA) fut beaucoup plus radicale et rapide. Mais l’issue est la même : une direction à la stratégie électoraliste grotesque et des candidats invraisemblables. En découle des résultats minables malgré une certaine exposition médiatique.

C’est ici qu’intervient Mélenchon, apparatchik du PS, pour lequel il fut sénateur et ministre sous Jospin. En 2007 il soutient Ségolène Royal, mais en 2008 après la défaite il quitte le PS et fonde le Parti de Gauche avec l’idée précise d’une alliance au PCF. Bonne orateur et connaisseur de la rhétorique marxiste il a entrevu la possibilité d’occuper la place laissée vide par la «gauche radicale» éparpillée dans l’échiquier électoral et de reprendre à son compte les idées réformistes bourgeoises. Une tentative de plus après le NPA sur la recherche de débouché électoral unitaire pour cette «gauche de la gauche» dont l’idéal se voudrait essentiellement sociétal et culturel mais que la dure réalité politique ancre irrémédiablement dans le camp de la bourgeoisie. Le NPA l’apprendra à ses dépens.

Cependant là où le gentil facteur révolutionnaire a lamentablement échoué, le méchant sénateur indigné a une chance de réussir. En s’appuyant sur la logistique en place du PCF et sur un réseau éprouvé, Mélenchon a réussi à créer une dynamique autour du Front de Gauche (Parti de Gauche et PCF), pour un temps seulement. Une fois ranimé la flamme blafarde des militants à la base, Mélenchon parti à la conquête de l’électorat populaire, se faisant fort de reprendre au FN le vote ouvrier.

Pour cela il joua la carte du «non» à l’Europe sur la base de préjugés populistes voire réactionnaires voulant nous faire oublier qu’il vota pour le traité de Maastricht. Il retape selon les goûts du moment les vieilles idées protectionnistes préférant pointer du doigt les technocrates européen que de s’en prendre à sa propre bourgeoisie et balayer devant sa porte.

Si son slogan fondateur : « Qu’ils s’en aillent tous !» représente bien une idée légitime et largement partagé par les travailleurs, Mélenchon doit se sentir concerné au même titre que ses camarades du PS. Il n’est évidemment pas crédible dans l’électorat ouvrier, ce que les résultats des présidentielles se sont chargé de lui rappeler. Sa base électorale est avant tout petite-bourgeoise et réformiste. Elle n’aspire qu’à la conquête du pouvoir d’Etat bourgeois (VIème République) et l’instauration illusoire une économie mixte.

Le constat est là : Mélenchon a perdu la bataille du vote ouvrier durant ces présidentielle. Il aura par contre dragué les profondeurs de l’électorat de gauche désabusé pour les jeter dans les bras du PS.

L’absence de cohésion du Front de Gauche, l’a rendu invisible lors des législatives suivantes. Mélenchon et sa coalition ont dû, pour exister, focaliser l’attention autour de sa personne. Annoncée par les presses locales dans beaucoup de circonscription différentes, le Front de Gauche a su entretenir le suspense pour le déclarer finalement candidat à Hénin-Beaumont, face à la fille Le Pen.

Après l’anti-Sarkozysme primaire, voici que l’anti-FN grossier vient marquer la volonté de ne pas s’attaquer au vrai problème des travailleurs, à savoir, avant tout, la bourgeoisie nationale et sa république. Mélenchon préfère montrer du doigt des épouvantails comme Marine Le Pen plutôt que de dire du mal de son pote Dassault par exemple. C’est ce que l’on appelle un détournement. Et une fois de plus -tandis qu’il était parachuté dans une circonscription où le PS, pronostiqué perdant, est embourbé dans divers scandales locaux de corruption- Mélenchon n’a pas convaincu et termine 3ème derrière le candidat PS ! Il repart la queue entre les jambes. En définitive le PCF et ses « belles valeurs républicaines » ne font pas recette et même si leur champion Mélenchon a réussi à grappiller quelques voix, le PCF n’a pas gagné en crédibilité. Seul fait marquant à défaut du vote ouvrier : Mélenchon a pu arracher au NPA une bonne partie de ses effectifs militants. En effet la tendance la plus droitière du NPA a rejoint le sénateur qu’elle a jugé plus apte que le pauvre ouvrier Poutou à représenter ses aspirations « unitaire » et électoraliste. La nébuleuse politique du NPA, n’aura d’ailleurs pas réussi à se hisser au niveau des forces qui comptent électoralement et pour qui ces deux élections semblent sonner le glas.

Alors que la situation sociale monte en pression sous les attaques incessantes du patronat, le Front de Gauche et Mélenchon se livrent pieds et mains liés à la bourgeoisie sous prétexte de défense de la république. Il reprend les mots d’ordre flous de l’extrême-gauche opportuniste en tentant de les rendre possibles sous le capitalisme ajoutant à la confusion dans le camp des travailleurs. Son rôle historique, plutôt que de préparer et d’impulser les luttes se résume à les circonscrire au carcan électoral et légal de la bourgeoisie. Ainsi lors de la dernière lutte nationale contre la réforme des retraites entendions-nous tous ces militants du Front de Gauche et leur amis de gauche nous expliquer que la défaite dans la rue n’était qu’une bataille perdue et que la guerre se gagnerai lors des présidentielles. « Si nous battons Sarkozy se sera un démultiplicateur d’énergie gigantesque » osait-il nous prédire. Alors voilà Sarko est parti or nous sommes encore les deux pieds dans la mouise. Mélenchon se veut « l’expression politique » des luttes, en réalité il est l’expression politique de l’illusion démocratique bourgeoise. L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes dans leur luttes quotidiennes tant sociales et que politiques, par la voix et l’action de leurs organisations propres et non une sorte de cadeau venu d’en haut par la grâce d’un quelconque tribun bourgeois.

NEYA

Publié dans Combat n°28 Été 2012

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