Chute du mur de Berlin, vent de liberté ou catastrophe historique ?

Chute du mur de Berlin,

vent de liberté ou

catastrophe historique ?

 

La chute, il y a vingt ans, du mur de Berlin, symbolise une série d’événements majeurs  qui se sont soldés par la restauration du capitalisme en Europe de l’est (puis en URSS).

Les grands médias ont pratiquement unanimement salué la mémoire de ce qu’il qualifie « victoire de la liberté » ou encore de  « réveil des peuples », et bien entendu ils se sont gardés d’établir un bilan, ou une étude comparative sur la situation des peuples avant et après la chute du mur. Ne confondons donc pas les illusions vite déçues d’une partie des populations des ex-pays socialistes d’Europe de l’est avec  la liberté retrouvée, bien réelle celle- là, d’exploiter ! Tachons donc d’apporter quelques outils de compréhension  à une situation historique que nos médias n’ont pas finis de travestir :

Le 23 avril 1945, l’armée rouge entre dans Berlin et, après avoir fait l’essentiel de l’effort de guerre, terrasse une fois pour toutes le régime nazi (le 8 mai 1945). Pourtant Berlin, qui se trouve au milieu des territoires allemands libérés par les soviétiques, doit supporter l’arrivée des forces pro-capitalistes dès le 1er juillet 1945. Le décor est planté, il y aura un îlot capitaliste, sorte de vitrine occidentale, au cœur de la futur Allemagne socialiste, et le blocus pendant près d’un an de cette zone (Berlin ouest) par Staline en 1948, n’y changera rien. En 1961, pour enrayer les départs des personnels les plus qualifiés et soucieux de se procurer de plus gros salaires en terres capitalistes, la RDA (socialiste) décide d’ériger un mur coupant Berlin-Est (socialiste) de Berlin-ouest (capitaliste). Cette triste et liberticide solution adoptée par le jeune régime socialiste bureaucratisé dès l’origine sous la coupe de l’URSS, ne fera que développer les frustrations d’une partie de la population est- allemande. Pourtant derrière les incontestables tares de la RDA (bureaucratie, absence d’un réel pouvoir des conseils ouvriers et populaire, limitation de la liberté de la presse…), le mode de production socialiste, c’est-à-dire la propriété sociale de l’ensemble de l’économie, permet de réels succès économiques et sociaux. La population de RDA, comme dans une large mesure les populations des autres pays socialistes, bénéficie d’un progrès réel et continu ; Eradication du chômage, temps et cadences de travail graduellement en baisse, disparition rapide de la misère puis de la pauvreté, satisfaction sociale et donc gratuité des besoins fondamentaux de la population (santé, logement, éducation…).

Certes, la RDA est encore très loin du paradis qu’une société communiste non-bureaucratique avancée et débarrassée de la pression capitaliste pourrait permettre, mais l’importance des succès dans la voie du progrès social interdit formellement à tout esprit un tant soit peu intègre de réduire la société d’Allemagne de l’est avec des vocables tel que « régime totalitaire », ou autres qualificatifs partisans.

Mais à la fin des années 1980, l’URSS affaiblie par une longue et infructueuse intervention militaire en Afghanistan (pour tenter de sauver un pouvoir socialiste démocratiquement élu mais menacé par les nombreux fanatiques, armés et financés par la CIA), et gangrené par la politique autodestructrice de son dirigeant Gorbatchev (la perestroïka),  encourage une évolution pseudo-indépendante mais clairement porté en faveur des réformateurs anti-socialistes dans les faits, dans les pays socialistes d’Europe de l’Est. Cette politique de Gorbatchev qui assure notamment que l’union soviétique n’interviendrait plus en cas de mouvement de contestation contre-révolutionnaire dans les pays du pacte de Varsovie (pacte de solidarité signé par la plupart des pays socialistes d’Europe en réponse à la création de l’OTAN par les puissances impérialistes), sonne en effet comme un signal d’assaut pour les mouvements réactionnaires soutenu par les occidentaux et les églises. Le processus d’autodestruction du socialisme est ainsi enclenché.

En 1989, les événements se précipitent, à commencer par la Hongrie qui réforme sa constitution en Mars, et ouvre sa frontière avec l’Autriche, incitant ainsi l’exode de milliers d’Allemands de l’est vers l’ouest. En juin, en Pologne, suite a une désastreuse politique de compromis (une « table ronde »), le syndicat « jaune » soutenu par le Vatican, Solidarnosc, gagne les élections législatives. Partout se multiplient des événements préfigurant la vague contre-révolutionnaire des « révolutions de velours » qui se lève sur l’Europe de l’est. L’hystérie réactionnaire d’une partie de la population (ce même sentiment violent et stupide qu’on retrouve chez les anti-grévistes), se mêle à l’espoir légitime mais aveugle de ceux qui, bien qu’attachés au socialisme, souhaitaient obtenir une certaine démocratisation du régime, pour constituer une inconsciente soupe de contestation populaire. Le 18 octobre 1989, le dirigeant pro-socialiste de RDA, Erich Honecker démissionne et doit céder sa place à un réformateur droitier. Le 9 novembre suite à la pression croissante de la réaction populaire organisée autour des églises et face au constat de l’émigration de milliers de citoyens est-Allemand pour l’ouest, les autorités de RDA ouvrent les points de passages à Berlin. Le mur tombe et la RDA avec. L’Allemagne bien vite réunifiée adopte la constitution capitaliste de l’ex-RFA.

Mais les lendemains vont bien vite faire déchanter l’immense majorité de la population d’ex-RDA. Elle n’avait peut-être pas cru vraiment au paradis que la bureaucratie dirigeante lui promettait, mais elle sait aujourd’hui ce que signifie l’enfer du capital. En 1992, la contre-révolution se traduisit par une chute du PIB de 38% en ex-RDA, avec un taux de chômage de 17%, et aujourd’hui encore, dans ce monde d’exploitation féroce, d’insécurité permanente, de repli identitaire, de vices érigés en valeur sociale, ils sont nombreux les Allemands de l’Est à regretter la RDA, et l’époque des espoirs socialistes.

ELIAS

Publié dans Combat n°11 Automne/Hiver 2009

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